Comment êtes vous arrivée dans le milieu du football ?

Ma maman jouait au foot à Grayan-et-l’Hôpital, dans le Médoc, dans un club dont elle s’occupe toujours avec mon papa. J’ai baigné dans le football très tôt. Je suis née avec un ballon. Maman a été une précurseuse du football féminin, en créant un club en 1979, un an après ma naissance. Je suis rentrée dans la section avec ma sœur et j’ai pu jouer en national 1. Je ne sais pas si j’aurais pu faire autre chose que du football. Je suivais ma mère sur le terrain, quand elle jouait, quand elle entraînait… Et je pense qu’on n’aurait pas pu en terme d’organisation faire autre chose. J’ai forcément adhéré car je la suivais partout. Il y a peut-être eu la période d’adolescence, qui est difficile où par rébellion, je ne voulais plus faire ça. Mais ma mère m’a toujours poussé et j’ai pu jouer à un bon niveau grâce à elle.

Quel a été votre parcours ?

J’ai débuté à Grayan-et-l’Hôpital où j’ai joué en National 1B, avant de partir à Tours en 2000. Je suis partie tenter l’aventure et je suis restée deux ans là bas. Nous sommes montées en D1 la première année et avons fait l’ascenseur car la différence entre la D2 et la D1 est importante. Puis j’ai rejoint Soyaux. Je suis partie pour un projet sportif sympa. J’ai intégré un groupe avec des joueuses de très bon niveau, ce qui permettait une expérience enrichissante humainement et sportivement. J’étais aussi dans un petit club où il n’y avait qu’une section féminine et j’ai retrouvé le côté convivial que je connaissais à Grayan-et-l’Hôpital, comme une deuxième famille. Tout le monde y était solidaire, avec de l’entraide entre joueurs et dirigeants. J’y suis restée cinq ans. J’ai quitté Soyaux pour un contexte familial. Je suis revenue à Bordeaux car mon conjoint jouait au rugby et cela devenait compliqué. J’étais aussi à un âge où j’avais envie de me poser et de construire une famille. J’ai alors joué deux ans à Blanquefort en D3. Nous avons connu la montée en D2 puis j’ai arrêté ma carrière car je savais ce que la D2 demandait comme sacrifice et je voulais couper avec le haut niveau. Je ne pouvais plus m’investir comme je le souhaitais. Ensuite je suis devenue maman et j’ai rechaussé les crampons au Stade Bordelais, avec des objectifs un peu moins sportif.

Quels sont les meilleurs souvenirs que vous gardez de votre parcours ?

Les quelques buts que j’ai pas pu marquer au haut niveau. Il y en a eu deux à Tours. Il y a aussi ce match à Tours dans le stade de la Vallée du Cher contre le Lyon emblématique. Quand à ce niveau, on peut jouer dans un grand stade comme ça c’est juste impressionnant. Et puis à Soyaux, il y a eu le plaisir d’avoir pu jouer avec des femmes comme Émilie Dos Santos, Ophélie Meilleroux… J’ai pris beaucoup de plaisir à l’entraînement et sur chaque match de pouvoir évoluer avec des joueuses aussi emblématique. D’ailleurs si « Coco » et sélectionneur aujourd’hui, ce n’est pas un hasard. C’est une bosseuse, elle est hyper rigoureuse.

« C’est une lutte permanente »

Depuis que vous avez commencé le football, il est désormais plus simple de faire du football. Quel regard portez vous sur l’évolution du football féminin ?

J’ai un esprit critique sur l’évolution du foot féminin. Je vais avoir 40 ans, cela fait 35 ans que je joue. Je n’ai pas le sentiment que les paroles suivent les actes dans les ambitions. Je sais qu’il y a de plus en plus de joueuses, de plus en plus d’équipes. Nous avons moins de démarches à effectuer pour aller chercher des filles notamment jeunes. Elles viennent naturellement vers nous. Avant il y avait une réticence à venir au foot, surtout des parents. Maintenant avec la médiatisation de l’équipe de France ou de l’équipe de Bordeaux, c’est très positif. C’est mieux mais nous avons quand même 15 ans de retard sur l’Allemagne ou les États-Unis. Il faudrait mettre d’autres moyens pour le développement. C’est un combat d’avoir un minimum de reconnaissance. Nous ne sommes pas au-dessus ni au-dessous du football masculin. On est sur le même pied d’égalité. C’est une lutte permanente. Si on veut une autre image du foot féminin cela passe par la volonté des dirigeants et des présidents qui croient et sont des fervents supporters du foot féminin.
Les mentalités ne changent pas trop cela va évoluer mais ça prend du temps. On pourrait aller plus vite. En Allemagne, c’est hallucinant ! Lors de la coupe du monde, j’avais l’impression d’être sur une autre planète : un stade rempli de 55 000 personnes. Et des supporters, pas des spectateurs ! Cela va prendre du temps de modifier notre culture.

Et aujourd’hui, quel est votre rôle au niveau du football au Stade Bordelais ?

Aujourd’hui je suis secrétaire et éducatrice au Stade Bordelais. Quand je suis arrivée, il y a cinq ans, il n’y avait qu’une équipe de foot féminin j’ai vu se dissoudre au fil des mois. Je sentais que l’éducatrice en place s’essoufflait et je lui ai proposé de l’aider sur mon temps libre. Elle n’a pas souhaité poursuivre l’aventure et j’ai donc repris sa place. La première étape a été de faire forfait pour le foot à 11 en août et d’engager juste une équipe à huit car nous manquions de joueuses. J’ai fait marcher mon réseau avec les anciennes de Blanquefort, de Grayan-et-l’Hôpital. J’ai surtout fait appel à des mamans qui sont revenues pour jouer tranquillement. En août, j’avais deux joueuses et début septembre huit. Nous avons fini la saison avec 16/17 joueuses. La saison d’après j’ai fait le choix de repartir avec deux équipes à huit. Cela me posait des problèmes de faire une équipe à 11 avec si peu de filles, d’autant qu’elles avaient 20, 30 voire 40 ans et beaucoup n’avait jamais touché un ballon de leur vie. Alors jouer à 11, ce n’était pas leur rendre service car c’est plus tactique. Elles étaient là pour se faire plaisir et pour toucher le ballon. En même temps j’ai relancé des équipes jeunes. Car les seniors c’est bien mais ce n’est pas l’avenir d’un club. Je me suis mis en lien avec le collège Édouard Vaillant de Bordeaux, qui a une classe UNSS, ce qui nous a permis de monter une équipe U17 à huit. Pour cela il a fallu que j’aille chercher les filles et les ramener devant le collège les jours d’entraînement et de matchs. De fil en aiguilles, j’ai pu lancer l’équipe seniors à 11 et une équipe à huit afin de préserver les filles qui voulaient continuer à s’amuser sans le côté compétition. Nous avons aussi eu une équipe U13. Il y a eu des limites en terme d’éducateurs. Pour les catégories de jeunes, j’ai fait le choix de ne mettre que des femmes. Les mamans – qui découvrent l’activité – pourraient voir un frein à ce que leur file soit encadrée par un homme.
Du coté des structures, tout le pôle féminin est à Sainte Germaine. Nous avons tout ce qu’il faut car nous pouvons utiliser le petit terrain derrière à Sainte Germaine, à côté de notre club House qui est bien plus pratique. La première année comme nous étions toutes mamans de jeunes enfants, une baby-sitter s’occupait de nos enfants au foyer pendant l’entraînement, ce qui nous laissait une sérénité et ne nous donnait plus d’excuse pour ne pas venir. Il a fallu chercher des éducatrices et les former au diplôme. Dans mon recrutement j’ai toujours pris des profils d’éducatrice. Ça me permet d’avoir un peu plus de recul sur le terrain et un œil plus formateur. Aujourd’hui, nous avons une équipe U9, U11, U13, une U17 à 11 et des seniors à 11 et une à huit. Cela fait une centaine de licenciées.

« Je n’ai pas eu d’autre choix que de m’imposer »

Quels sont vos souhaits pour le développement du foot féminin ?

Forcément, j’aimerais que le nombre de licenciés augmente, c’est une réelle ambition. Nous avons au sein des instances des cadres techniques garçon, il serait bien qu’on en est autant pour les filles. Il faut mettre beaucoup plus de moyens d’autant qu’il y a la coupe du monde en 2019. Je suis par ailleurs déçue qu’il n’y ait pas de match à Bordeaux et Toulouse. Il faudra aller à Montpellier ou Rennes. Je ne comprends pas cette démarche politique d’attribution, il aurait fallu contenter tout le monde afin de permettre au football féminin de se développer un peu plus. J’aimerais aussi que l’école primaire permettre une activité foot plus développé pour les petites filles afin qu’elles jouent à cette activité dans leur cycle mais aussi dans les cours de récré. Il y a encore plein de mentalité à changer. Je sais que ça va évoluer, mais je pense que certaines mentalités seront difficiles à changer. C’est un peu comme la société ce qui arrive sur le terrain par le biais de nos enfants. Il faut respecter la femme en général et la place de la femme dans la société. A l’époque où je passais mes diplômes,  j’étais seule au milieu de 30 mecs. Je n’ai pas eu d’autre choix que de m’imposer. Je ne baisse pas les bras et je continue de relever les manches afin de montrer une belle image du foot. Je suis un petit peu féministe mais il est important que que l’on sache que l’on peut jouer au foot et en plus être très féminine.

Natacha Berton
Né le 20 juillet 1978
Joueuse : Grayan-et-l’hôpital, Tours, Soyaux, Blanquefort, Stade Bordelais.
Entraîneuse : Stade Bordelais